15.11.2015 — Carnet de voyage : Vent de tempête sur le Bosphore

15.11.2015 — © Nicolas Brodard

En ces derniers instants de réconfort avant la pénombre, une chaude lumière d’automne s’efforce de maintenir encore le panorama offert aux stambouliotes endimanchés des bords du Bosphore.

Dans la salle d’attente de l’embarcadère de Besiktas, on attend le bateau bon enfant. Un souffle puissant se fait soudain entendre près des portes coulissantes. Sursaut général. Un nuage de fumée s’élève. Par les temps qui courent, on s’attend à tout.

Un garçon ayant échappé à la surveillance parentale vient de faire usage de l’extincteur de secours. Alors que le bonhomme nage encore en pleine confusion, les usagers alentour sourient en saluant la farce: «C’est un enfant qui a joué avec l’extincteur», s’amuse-t-on, de bonne humeur. Si contagieuse que le fauteur de troubles et son père éclatent de rire à leur tour. Une jolie fin de journée dans la joie. Un bel apprentissage, sans réprimande. La gène occasionnée par l’attention générale suffira à faire la leçon.
Un agent à casquette fend la foule hilare et s’approche. Tout sourire, le père explique que son fils a fait une bêtise et s'en excuse. L’agent s’en va.
Que les choses sont parfois bien faites. Il y aurait donc de l’espoir.

Mais c’est sans compter le zèle des grands imbéciles du petit pouvoir. L’agent de sécurité revient avec un responsable. Sans crier gare, le justicier passe un savon au père de famille qui se voit contraint d’hausser le ton pour faire entendre la nature de l’évènement. Plus long et plus fort que le souffle de l’extincteur, le sermon du mâtin raisonne. Malaise. Mais personne pour lui demander de la fermer. Personne pour s’en étonner. Ainsi, l’espoir s’en va.

Le garçon s’est lui détourné de la scène qu’on fait à son père. Les deux mains accolées au vitrage, il observe l’approche du Ahmet Hulusi Yildirim, fraîchement repeint. Il sera bientôt temps d'admirer les goélands à la poursuite du bateau. Avec en tête une deuxième leçon peut-être.
De celui qui a fait une petite bêtise, ou de celui venu faire un gros sermon… C’est bien le premier qui a obtenu la sympathie des grands.